Les chasseurs et les randonneurs
- Publié le Lundi 27 septembre 2010
- par Serval
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Traversée Nord-Sud, étape n°3 : Gravelines -> Calais (dimanche 18/07/2010).
Vous pouvez aussi voir ici la liste de toutes les étapes de la Traversée Nord-Sud.
Repartant de l’étang où je venais de me baigner et de déjeuner au soleil, je me suis demandé pourquoi j’avais été tellement choqué de découvrir que cet endroit idyllique verrait bientôt des massacres d’oiseaux migrateurs. La marche favorisant la réflexion, je passai une bonne partie de l’après-midi à tourner et retourner cette question dans ma tête.
De manière générale, le manque de sympathie est réciproque entre chasseurs et randonneurs. Les premiers considèrent habituellement les promeneurs, les randonneurs, les chercheurs de champignons, etc. comme des gêneurs. Ils se trouvent souvent au mauvais endroit au mauvais moment ; ils font fuir le gibier ; ils prennent des risques stupides en allant pendant la période de chasse dans des endroits où ils risquent de recevoir un coup de fusil.
Les marcheurs, quant à eux, ont du mal à accepter qu’en temps de paix leur liberté de mouvement soit entravée par des gens en armes ; ils sont logiquement inquiets lorsque, depuis le sentier où ils promènent, ils entendent des coups de feu tirés à proximité par on ne sait qui et dirigés vers on ne sait où.
L’état d’esprit du randonneur solitaire et du chasseur solitaire est pourtant le même. Pour l’un comme pour l’autre, il s’agit de passer un long moment immergé dans la nature, seul avec soi-même et loin des soucis de la vie de tous les jours. Pour un randonneur, il n’est pas illogique de considérer ce type de chasseur comme un « collègue » arpenteur des chemins, même si celui-ci a aussi l’espoir de tirer un lièvre ou une perdrix qu’il cuisinera ensuite chez lui. Après tout, bien d’autres animaux sont tués tous les jours dans de plus détestables conditions pour fournir de la viande à l’animal carnivore que nous sommes.
D’autres modes de chasse ne relèvent pas de la même philosophie. La chasse avec battue, la chasse à courre, la chasse à l’affût, sont pratiquées par des humains agissant en bande, avec un comportement qui est souvent… celui des humains en bande. Dans le cas de la chasse à la hutte, la répulsion est accrue par l’importance des moyens mis en œuvre pour construire les flaques et les gabions et par l’utilisation des appelants, ces canards « traîtres » dont la présence et les cris appâtent les migrateurs vers le lieu de leur perte. Comme disent les enfants : « c’est de la triche ! »
Tout à coup, dans l’espace,
Si haut qu’il semble aller lentement, un grand vol
En forme de triangle arrive, plane et passe.
Où vont-ils ? Qui sont-ils ? Comme ils sont loin du sol ! »
— Jean Richepin
Le voyageur à pied, même s’il n’est nomade que par intermittence, se sent forcément solidaire de l’oiseau migrateur qui parcourt libre le ciel. Il ne peut pas éprouver de l’estime ou de la sympathie pour ces humains qui se réunissent, joyeux, pour tuer.