Ma credencial
- Publié le Mercredi 3 novembre 2010
- par Serval
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Traversée Nord-Sud, étape n°8 : Beaurainville -> Hesdin (Sa 04/09/2010).
Vous pouvez aussi voir ici la liste de toutes les étapes de la Traversée Nord-Sud.
(Alix de Saint-André — Gallimard, 2010)
Me voici arrivé à la gare de Beaurainville. J’ignorais jusqu’au nom de cette petite ville il n’y a pas si longtemps, mais depuis que j’y ai pris le train qui m’a ramené à la vie de tous les jours, les mots retourner à Beaurainville sont devenus pour moi synonymes de reprendre la route.
Parler d’une gare à Beaurainville est d’ailleurs excessif. Il n’y a plus en cet endroit qu’une halte sans guichet sur le trajet des trains qui relient Boulogne-sur-mer à Lille ou à Arras. Le bâtiment qui fut jadis une gare est maintenant partagé entre un « point-info-tourisme » et un salon de coiffure, tous deux visiblement fermés le samedi. Ce n’est pas là que je pourrai faire estampiller mon carnet à la manière des pélerins de Compostelle.
Les Chemins de Compostelle sont avant tout un pèlerinage chrétien, une expédition spirituelle souvent très organisée et pour laquelle je ressens peu d’attrait — d’autant plus qu’il est difficile d’être moins seul sur la route qu’en suivant « El Camino de Santiago », dont les derniers tronçons sont parcourus chaque année par quelque 150.000 personnes — mais l’aventure que représente un voyage à pied de plusieurs centaines de kilomètres m’intéresse évidemment.
C’est ce qui m’a amené à lire récemment Le chemin oublié de Compostelle de Philippe Lemonnier (Arthaud, 2004) et En avant route d’Alix de Saint-André (Gallimard, 2010), deux récits de voyage qui, sans être des chefs-d’œuvre, sont d’une lecture agréable. J’y ai appris que les pélerins de Compostelle doivent être en possession d’une lettre de créance, appelée en espagnol la credencial, carnet spécial sur lequel ils font apposer à chaque étape le cachet d’un établissement du lieu (gîte, église, mairie, commerce, etc.) pour attester de leur passage. Ce document est obligatoire pour accéder aux gîtes et pour obtenir le certificat de pèlerinage, la Compostela, une fois Saint-Jacques de Compostelle atteint.
J’ai trouvé amusante l’idée de garder moi aussi une trace de chacune de mes étapes et de me créer ainsi une contrainte aussi impérieuse qu’inutile, en récoltant désormais chaque jour un nouveau tampon sur mon carnet de route.Le « point-info-tourisme » est fermé. Le salon de coiffure est fermé. La mairie est fermée. Ah, cette pizzeria semble ouverte ! Parfait, voilà qui va faire très couleur locale. J’entre. Un homme est assis au fond du restaurant vide, attendant le client derrière ses plaques de cuisson. Il se lève pour m’accueillir et a l’élégance de ne pas paraître déçu en comprenant que je souhaite pas déjeuner. Lorsque je lui explique que je vais à pied de la frontière belge à la frontière espagnole, il s’écrie même « C’est génial ! J’aimerais bien faire pareil un jour ! », et est ravi d’être le premier à appliquer son tampon sur une page encore vierge de mon carnet.
C’est fois ça y est, je suis vraiment reparti.