1346, Crécy

Traversée Nord-Sud, étape n°9 : Hesdin -> Crécy-en-Ponthieu (dimanche 05/09/2010).
Vous pouvez aussi voir ici la liste de toutes les étapes de la Traversée Nord-Sud
.

Au musée de Crécy, ou comment recycler les anciennes toilettes de l'école
Au musée de Crécy-en-Ponthieu, ou comment recycler les anciennes toilettes de l’école.

« Le beau temps ne va pas durer, déjà ce matin il n’y avait presque pas de rosée » m’a dit tout à l’heure la boulangère chez laquelle je me suis ravitaillé en prévision de magasins et cafés de village probablement fermés pendant les deux jours à venir. Soit le dicton est faux, soit la boulangère d’Hesdin n’avait pas cherché la rosée aux bons endroits. Une fois sorti de la ville, mes premiers kilomètres de marche dans un sentier herbeux mouillent assez mes bas de pantalon pour que je ne remette pas en cause la sagesse de nos aînés. Le ciel est bleu et il le restera.

Pas un chant d’oiseau pourtant, et pour cause : depuis ce chemin creux, et bien content d’être à l’abri du talus de deux mètres qui le borde, j’entends sur ma gauche d’innombrables coups de fusil qui semblent dangereusement proches. « Pan-pan! pan-pan! ». Bon sang, c’est dimanche d’accord, jour des chasseurs, mais comment est-il possible de tirer autant de coups de feu en si peu de temps ? Au moins cinq salves en à peine une minute. Ce n’est plus de la chasse, c’est Tartarin dans le Pas-de-Calais !

Archer anglais à la bataille de Crécy
Ce que c’est que d’avoir des préjugés anti-chasseurs… Mea culpa. En sortant du chemin, je découvre que les seules victimes des tirs entendus sont des assiettes de terre cuite. Le chemin passe près d’un ball-trap, où règne une ambiance festive avec d’excellentes saucisses grillées qui vont constituer mon déjeuner du jour. Je ne peux toutefois m’empêcher de trouver déplacée ici la présence d’enfants de six ou sept ans, tous des garçons évidemment.

Dans les villages, en revanche, personne. Les rues sont vides, les magasins fermés, à peine parfois le son d’une télévision se fait-il entendre à travers une fenêtre. Et bien sûr, ça et là, des chiens aboient sur mon passage.

Il est encore tôt quant j’arrive à Crécy-en-Ponthieu, lieu de la célèbre défaite française, en… hum, euh, au quatorzième siècle. J’aurais été bien incapable de dater Crécy, que je confondais toujours avec Azincourt, avant de visiter le petit musée consacré à cette bataille. C’est l’un de ces merveilleux endroits que l’on sent entretenus par des passionnés, évidemment bénévoles, comme la dame aux cheveux blancs qui m’accueille chaleureusement et me fait visiter l’ancienne école primaire qui est devenu « son » musée.

Sur la route, près de Crécy-en-Ponthieu
Près de Crécy
Elle me raconte avec vivacité le déroulement de la piteuse défaite de la chevalerie française menée par Philippe VI : la pluie qui ramollit les cordes en cheveux qui équipent les arbalètes des mercenaires gênois, tandis qu’au contraire le chanvre des arcs anglais se tend davantage, les chevaliers français qui chargent leurs propres mercenaires avant d’aller se jeter sur les pièges anglais : épieux fichés en terre et trous multiples qui cassent les jambes des chevaux lancés au galop. Et finalement, le triomphe anglais qui permet la poursuite de la chevauchée d’Édouard III jusqu’à Calais, et marque le véritable début de la guerre de Cent Ans.

Quel dommage que tous les enfants qui s’ennuient pendant les cours d’histoire n’aient pas à l’école des professeurs aussi passionnés que la vieille dame qui m’a servi de guide en ce dimanche soir à Crécy-en-Ponthieu.

Licence Creative Commons    Lignes de Fuite - 2010