Vaches folles
- Publié le Vendredi 17 décembre 2010
- par Serval
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Traversée Nord-Sud, étape n°11 : Abbeville -> Hallencourt (vendredi 08/10/2010).
Vous pouvez aussi voir ici la liste de toutes les étapes de la Traversée Nord-Sud.
On croise finalement assez peu d’êtres humains dans nos campagnes. Quand on en aperçoit, c’est le plus souvent de loin, en train de conduire un engin agricole qui roule à l’autre bout d’un champ. On voit beaucoup plus d’animaux. Des petits animaux, insectes, araignées, escargots et limaces ; des oiseaux, bien sûr ; plus rarement d’autres animaux sauvages, hérissons, lapins, voire un chevreuil les jours de chance ; et puis les animaux domestiques et le bétail qui témoignent, même en son absence, de l’emprise de l’homme sur la nature.
Moi, j’ai un faible pour les vaches. Elles n’ont certes pas l’élégance des chevaux ; elles n’ont pas comme les ânes des oreilles qu’on a très envie de caresser ; elles n’ont pas l’individualisme gracieux des chats. Ce sont des animaux paisibles et discrets, des voisines placides, habituellement trop occupées par leur rumination pour prêter attention au marcheur de passage. Ce n’est pas une vache qui s’égosillerait à votre approche lorsque vous osez frôler son territoire. Mieux vaut assurément s’assurer de l’absence de taureau avant de traverser un pré, mais les écriteaux « Attention vache méchante » ne sont pas monnaie courante, n’est-ce pas. Et puis, elles ont de si beaux yeux aux longs cils.
Il est presque cinq heures et le soleil est déjà bas. J’ai prévu de passer la nuit à Hallencourt, qui n’est plus très loin maintenant. Depuis que j’ai quitté les bords de la Somme, j’ai surtout longé des champs et des prairies. Dans ce pré-ci, une vingtaine de vaches paissent tranquillement. Ce sont de jeunes vaches normandes, de ces belles vaches à la robe blanche et noire et au nez rose. Mais j’aurais plutôt dû écrire « paissaient tranquillement » car, en me voyant arriver, celle qui est la plus proche relève la tête, la secoue d’un air surpris, pousse un meuglement et se met à gambader joyeusement vers moi.
Ravi de cet accueil chaleureux mais un peu étonné, je m’arrête pour la saluer « Bonjour ma belle, on se connaît ? » Au son de ma voix, d’autres vaches lèvent à leur tour la tête. Le va-et-vient horizontal de leurs mâchoires s’interrompt, et voici qu’une deuxième vache, une troisième, encore une autre… toutes les vaches du pré se précipitent dans ma direction pour m’observer d’aussi près que possible, de l’autre côté des fils de fer barbelés qui nous séparent.Ma parole, ces vaches-là n’ont jamais vu passer un randonneur ? Il n’y pourtant rien là de bien extraordinaire, vous savez Mesdames : un randonneur, c’est comme un train. C’est seulement plus petit et moins bruyant, et ça se déplace beaucoup moins vite.