Une rencontre au bord de l’Eure

Traversée Nord-Sud, étape n°22 : Maintenon -> Chartres (samedi 29 janvier 2011)
Vous pouvez aussi voir ici la liste de toutes les étapes de la Traversée Nord-Sud
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Promenade au bord de l'Eure

La promenade d’aujourd’hui est très agréable dans les sous-bois et les champs qui longent l’Eure. La jolie petite rivière semble ne couler que pour moi : pas de famille en balade, pas de promeneur du week-end, pas de pélerin de Compostelle bien que Chartres soit tout près. Il fait pourtant beau et c’est samedi, mais on est en janvier et il fait vraiment froid, personne d’autre ne profite de la beauté des lieux.

Tiens, j’ai parlé trop vite, voici quelqu’un. Ce marcheur-là est un vieux monsieur. Il marche seul, comme moi. Quand deux marcheurs se croisent, ils échangent au minimum un « bonjour », et souvent quelques mots. « Vous allez où, vous venez d’où ? » etc. Parfois la discussion s’engage. Deux personnes qui ne se connaissent pas et ne se reverront probablement jamais se rencontrent en zone franche, en dehors des repères sociaux quotidiens ; pour celui qui en ressent le besoin, cela peut être l’occasion de s’épancher, si l’oreille qui est en face sait écouter. Les vieilles personnes ont souvent plus de temps pour discuter, et plus de recul aussi.

Poignée de radiateurCe promeneur-là est bien emmitouflé dans plusieurs pull-overs mis l’un sur l’autre et porte une grosse écharpe autour du cou, mais il n’a rien sur la tête malgré le froid vif : son épouse est décédée il y deux ans. Il marche en tenant à la main un bâton qui est plus un ornement qu’une aide, une canne qu’il s’est bricolée en enfilant une mince branche de bouleau dans un de ces tuyaux cannelés qui servent à faire passer fils électriques ou canalisations dans les murs. Il y a ajouté une poignée de radiateur en guise de pommeau.

— Je ne veux pas marcher en groupe, il y en a qui traînent, d’autres qui vont trop vite, et les femmes causent tout le temps ! Mais marcher tout seul, ça m’emmerde ! Avant, je me baladais avec mon chien. Il avait 17 ans, il était sourd et aveugle, mais il aimait bien se promener, et moi j’aimais bien me promener avec lui. Il est mort, lui aussi.

— Et vous n’avez pas envie d’avoir un autre chien ?

— Je suis allé à la SPA l’autre jour pour en adopter un autre. Vous savez ce qu’ils m’ont dit ? « Désolé Monsieur, vous avez 83 ans, on ne peut pas vous donner un chien à votre âge. »
Vous vous rendez compte ? Qu’est-ce qu’ils croient ces andouilles ? Que je vais calancher demain ? C’est pas au programme. De toute façon, je m’en fiche. Mon fils va aller en chercher un pour lui, soi-disant, et il me l’amènera la semaine prochaine. Bon, et vous ? Comment ça se fait que vous vous baladez par ici ? Et d’abord, comment vous avez su que dans le temps j’étais plombier ?

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