Traversée Nord-Sud
- Publié le Lundi 12 juillet 2010
- par Serval
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La semaine que j’ai passée en Lozère sur les traces de Robert-Louis Stevenson a été mon baptême de la grande randonnée. Jusqu’alors, j’étais un marcheur occasionnel, qui aimait passer de temps à autre une journée sur les chemins de la région parisienne, seul ou — rarement — avec l’un de mes fils.
Une fois seulement, il m’était arrivé de partir pendant deux jours en passant la nuit dans un petit hôtel soigneusement réservé à l’avance. Ça avait été une belle balade, mais cette traversée du Gévaudan et des Cévennes sur le Chemin de Stevenson, que j’ai relatée au fil de ce blog en mai dernier, fut une expérience d’une toute autre dimension. Huit jours de marche entre Langogne et Saint-Jean du Gard qui m’ont fait comprendre l’énorme différence entre « faire une randonnée » d’un ou deux jours et « voyager à pied ».
Partir sur les routes, c’est changer d’univers. On abandonne ses habitudes comme un serpent sa vieille peau. Il suffit d’un ou deux jours pour que ce qui était la vie de tous les jours paraisse étrange et étranger. Ce qui hier occupait toutes nos pensées — l’emprunt en cours, le dossier à finir, le collègue qu’on supporte mal, les mails auxquels il faut répondre — devient dérisoire ; mieux, tout cela disparaît de nos pensées, de notre vie ; cela n’existe plus. Quand le besoin de boire un verre d’eau ne peut plus être satisfait par un simple aller-retour jusqu’à la cuisine, les priorités d’hier perdent toute consistance, et les besoins de base — manger, boire, dormir — reprennent leur réelle place.
Marcher seul pendant plusieurs jours, c’est décider de se couper de ses amis, de sa famille, de son travail. C’est être seul le plus souvent, et pourtant c’est l’occasion de bien plus de rencontres que dans la vie de tous les jours, où l’on côtoie beaucoup de monde mais où les rencontres sont rares et policées. Sur les chemins, elles sont l’occasion de se saluer, de parler ou de se taire, de donner et de recevoir.
Pourquoi pas, après tout ? Il suffit de le vouloir, donc c’est décidé : je vais traverser la France continentale à pied, du nord au sud, de Dunkerque à Perpignan. Plus précisément, j’irai de la commune française la plus septentrionale, Bray-Dunes à la frontière belge, jusqu’au Cap Cerbère à la frontière espagnole. Mille kilomètres à vol d’oiseau, combien cela peut-il faire de kilomètres quand on voyage à pied et en empruntant les chemins détournés ? Deux mille ? Deux mille cinq cents peut-être ? On verra bien.
Si j’étais retraité, je pourrais partir pendant deux ou trois mois pour vivre ce voyage en une fois, mais je ne suis pas retraité. Il va me falloir fragmenter la route en segments de quelques jours ou de quelques semaines. Eh bien soit, je ferai autant d’étapes et diviserai le parcours en autant de segments qu’il sera nécessaire. J’y mettrai le temps qu’il faudra, mais que ce soit en un an ou en cinq, cette Traversée Nord-Sud, je vais la faire ! Sans me presser, par le chemin des écoliers et en profitant au maximum des paysages et des rencontres. Et j’ai déjà hâte de partir.