À Grande-Synthe
- Publié le Mercredi 22 septembre 2010
- par Serval
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Traversée Nord-Sud, étape n°2 : Malo-les-Bains -> Gravelines (samedi 17/07/2010).
Vous pouvez aussi voir ici la liste de toutes les étapes de la Traversée Nord-Sud.
L’étape d’aujourd’hui traverse des lieux qui sont à coup sûr parmi les moins touristiques de France. Passé le centre-ville de Dunkerque, le paysage enchaîne les quais, les darses, les dépôts de carburant, les raffineries de pétrole, puis les cités de banlieue — Saint-Pol-sur-Mer, Fort-Mardick, Grande-Synthe — le tout relié par des kilomètres de routes défoncées, de digues sales et de terrains vagues.
Jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, Grande-Synthe était un village maraîcher dont il ne reste plus rien : les Allemands l’ont entièrement détruit à la dynamite en 1944. La ville actuelle a été édifiée à partir de zéro et sans vrai plan d’urbanisme dans les années 1950-1960. Ville sans patrimoine, sans monument, elle est le siège de plusieurs « fleurons de l’industrie française », comme on dit, tels que les usines sidérurgiques d’Arcelor-Mital (ex-Usinor), des raffineries de pétrole (Total, au cœur d’un interminable conflit social) et une grosse centrale électrique EDF. En dehors de ces horreurs industrielles, son architecture comprend essentiellement des cités HLM.
Toutefois, des panneaux indicateurs signalent fièrement que Grande-Synthe est classée « quatre fleurs » au concours des villes fleuries. Et c’est vrai qu’il y a beaucoup de fleurs à Grande-Synthe, sur ses multiples ronds-points, entre les immeubles et au bord des fenêtres, que la verdure est partout et que le mobilier urbain est particulièrement gai et coloré.
Dans le café où je m’arrête pour me reposer et manger un morceau, la patronne a envie de discuter. Tant mieux. Tandis que je croque dans mon sandwich, elle m’explique longuement que « sa » ville — elle y est née et ne voudrait aller vivre ailleurs pour rien au monde — est assez riche, grâce à la taxe professionnelle payée par les grosses entreprises, mais que ses habitants sont pauvres. La commune de Grande-Synthe peut consacrer un gros budget aux fleurs, aux équipements sportifs et à la culture (quand je quitterai cette cité HLM tout à l’heure, je me retrouverai en train de faire le tour d’un lac entouré de pelouses et sur lequel on peut régater… au pied d’une usine classée Seveso 2) ; la municipalité a également les moyens d’avoir une politique très active d’aides sociales envers une population qui comporte 30% de chômeurs.
« La vie n’est pas facile tous les jours » me dit la patronne du café « mais ici, je suis chez moi ». Les mineurs du bassin houiller aussi étaient fiers de leur dur métier et de l’endroit où ils vivaient. J’espère pour elle que le destin de Grande-Synthe ne sera pas comparable à celui des corons.