Arrivée à Calais

Traversée Nord-Sud, étape n°3 : Gravelines -> Calais (dimanche 18/07/2010).
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Profitant de la marée basse, je marche depuis quelques heures à bonne distance des dunes afin de raccourcir ma route, en contournant d’un seul coup par le large les nombreuses « flaques » creusées pour la chasse au canard qui se succèdent en cette portion de la côte.

À quelque distance, une étrange structure métallique semble posée sur l’eau comme un gros insecte. Le « feu de Walde », ex-phare du même nom, ne fonctionne plus depuis longtemps. Il demeure toutefois célèbre en raison de son aspect caractéristique et parce qu’il indique le point précis de la côte française où la Mer du Nord devient la Manche. Il s’en est fallu de peu : le Tunnel sous la Manche passe à peine 5 kilomètres plus à l’ouest, il aurait eu bonne mine de passer sous la Mer du Nord !

À propos de mer, la marée monte vite alors que je marche tranquillement à quelques centaines de mètres de la côte. Je suis certes pas dans la baie du Mont Saint-Michel et le flux ne semble pas se faire « à la vitesse d’un cheval au galop », mais les eaux se rapprochent quand même à vue d’œil. Si je ne veux pas prendre mon deuxième bain de la journée — mais habillé cette fois-ci — il serait bon d’accélérer un peu le pas.

Après dix bonnes minutes de marche rapide et de raisonnable inquiétude, je rejoins le rivage juste à temps pour ne pas me retrouver les pieds dans l’eau. Un panneau indicateur, planté au bord de la voie rapide que je suis maintenant obligé de longer, confirme l’entrée dans Calais, mais mon retour à la terre ferme s’est fait au niveau du terminal des ferries. La découverte de la ville débute donc par la traversée d’un désert de bitume et de bâtiments vides, de parkings où ne se trouvent que quelques poids lourds inoccupés. Il est probable que ce no man’s land est le siège d’une activité intense les autres jours de la semaine… mais c’est dimanche aujourd’hui, tout est vide et silencieux.

Les Bourgeois de Calais par Auguste Rodin

Le centre ville aussi est désert. Place de l’Hôtel de Ville, les Bourgeois de Calais immortalisés par Rodin sont seuls, au centre d’un square entouré de places de parkings. Depuis toujours, le nom de Calais évoque pour moi l’histoire des Bourgeois de Calais, avec une image mentale très Malet et Isaac de ces six bourgeois en chemise et la corde au cou, apportant au roi d’Angleterre les clefs de leur ville sur un coussin de velours rouge.

J’ai oublié les circonstances précises de la reddition de leur ville au roi d’Angleterre, et la raison du sacrifice des six bourgeois, mais peu importe. Aujourd’hui, leur angoisse digne me semble surtout l’illustration du sentiment de solitude que génère une arrivée à Calais en ce dimanche soir.

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