Au lieu-dit : « La Justice »

Traversée Nord-Sud, étape n°12 : Hallencourt -> Molliens-Dreuil (samedi 09/10/2011)
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Quand on atteint un sommet, même s’il ne s’agit que d’une simple colline, c’est d’instinct que l’on jette un regard en arrière. Se retourner vers le chemin parcouru, en repérant parfois l’endroit précis où l’on se trouvait il y a quelques heures — ou quelques jours quand c’est une montagne que l’on a gravie — c’est une façon de se l’approprier. On ne fait pas que visualiser sa progression passée, on l’authentifie en quelque sorte. On la range dans le passé et l’on se prépare ainsi au chemin à venir.

En arrivant en haut de la colline de Méricourt, au lieu-dit « La Justice », je me retourne donc tout naturellement. Sous mes yeux s’étend un paysage de l’Amiénois tranquille et presque désert, avec à perte de vue des champs, des prairies et des bosquets.

Ce paysage était évidemment différent au Moyen-Âge, mais la perspective générale était la même, qui fut la dernière pour les centaines de personnes qui l’ont contemplée avec une corde autour du cou. À l’endroit précis où je me trouve était établi l’ancien gibet de Méricourt, où l’on pendait les malfaiteurs et où l’on exposait les cadavres des condamnés.

Frères humains qui après nous vivez,
N’ayez les cœurs contres nous endurcis,
Car si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous merci […]
François Villon

La justice d’alors était expéditive : le jugement suivait immédiatement l’arrestation, et la sentence était exécutable sans délai. Les délits mineurs étaient passibles d’amendes. Pour les crimes, les châtiments corporels étaient la règle, depuis le pilori et les coups de fouet jusqu’à l’amputation et à la peine de mort : les hommes étaient pendus ou fusillés à l’arquebuse, les femmes étaient ensevelies vivantes.

L’emplacement en hauteur du gibet permettait à tous, habitants du village de Méricourt-en-Vimeu situé en contrebas ou voyageurs passant sur la grand-route de la Flandre à Paris, de se rappeler qui détenait le pouvoir et l’autorité. Les corps restaient exposés jusqu’à décomposition, coutume qui apparaît dans tout son réalisme à travers le nom du prochain village sur la route d’Airaines : Tailly l’arbre-à-mouches.

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