Du Bleymard au Pont-de-Montvert

Sur le Chemin de Stevenson [4]

Une montjoie sur les flancs du Mont Lozère
Une Montjoie sur les flancs du Mont Lozère
La nuit a été rythmée par les grondements du tonnerre qui n’ont cessé qu’à l’approche du matin et par le bruit de la pluie tombant à verse sur le sol et les toits environnants.

Vers six heures toutefois, le ciel s’est calmé. Il n’est plus que gris lorsque je me mets en route pour atteindre ce soir Les Cévennes. C’est l’automne au mois de mai, un automne pluvieux, qui me suit jusqu’à la montée vers le Mont Lozère et le Pic de Finiels.

Les marques du GR70 sont très espacées, mais les montjoies me guident vers le sommet, comme elles ont guidé les bergers pendant des siècles le long de ces drailles dénudées qui grimpent sur les flancs du Mont Lozère. Une montée longue et progressive dans un décor de carte postale, une lente ascension vers l’hiver réfugié au sommet du Finiels.

Les Cévennes vues du Finiels
En fait de pic, le Finiels est un plateau de quelques centaines de mètres de diamètre, qui semble habité par les milliers de blocs de pierre qui s’y trouvent. L’effort de l’ascension est récompensé par un spectacle magnifique, quelque soit le coin de l’horizon vers lequel on se tourne : Plomb du Cantal au nord, Aubrac à l’ouest, Mont Gerbier-de-Jonc à l’est, Aigoual et Cévennes au sud.

S’il avait fait beau, j’aurais vu les Alpes, les Alpilles, la mer, qui sait ? Mais il ne fait pas beau. Il vente et il fait froid, il est grand temps de basculer enfin vers le sud et les Cévennes. Les premières centaines de mètres de la descente se font dans 30 centimètres de neige, qui disparaît heureusement au fur et à mesure que la pente s’accentue. Après la descente abrupte et glissante dans les mille ruisseaux que la fonte des neiges a fait naître, c’est le village de Finiels, c’est l’orée des Cévennes.

Vers le Pont-de-Montvert

Quand je peux enfin relever la tête sans risquer de tomber, je m’aperçois que le ciel est bleu, à peine parsemé de quelques nuages blancs. Au cours de la même journée, trois saisons se sont succédées : après l’automne ce matin et l’hiver tout à l’heure, c’est maintenant le printemps.

Adieu – ou plus probablement au revoir – surpantalon et veste imperméables ! Me voici en chemise pour parcourir les derniers kilomètres dans des paysages magnifiques.

Les terres caillouteuses de la face sud du Mont Lozère deviennent joyeuses sous le soleil. A plus basse altitude, des champs vert vif apparaissent, parsemés de milliers de taches jaunes qui signent l’arrivée du printemps. Boutons d’or, ajoncs, genêts, pissenlits, jonquilles… comment se fait-il qu’en certains lieux et à certains moments, la nature décide ainsi d’une couleur dominante pour habiller ses paysages ?

Le Pont-de-Montvert
Dans de telles conditions, la longue descente vers Le Pont-de-Montvert est un moment de pur bonheur. Le bourg lui-même est un joli village au bord du Tarn, avec un pont qui m’évoque, à une échelle réduite, celui de Mostar, en Bosnie, le Stari Most de triste mémoire et où j’étais il y a un an.

Le Pont-de-Montvert, dont le passé est lui aussi marqué par la guerre et les massacres, est maintenant un bel endroit qui fleure bon le midi. L’air ce soir y est léger, et les oiseaux chantent.
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Étape du jour : Le Bleymard (Alt. 1 069 m) – Le Pont-de-Montvert (Alt. 875 m) – 18 km
Sommet franchi : Pic de Finiels (1 699 m)

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