Écritures en abîme
- Publié le Samedi 12 février 2011
- par Serval
- 12 commentaires
Traversée Nord-Sud, étape n°19 : Mantes-la-Jolie -> Orgerus (vendredi 05/11/2010)
Vous pouvez aussi voir ici la liste de toutes les étapes de la Traversée Nord-Sud.
Novembre… Plus de trois mois se sont écoulés depuis mon départ de Bray-Dunes, et trois semaines depuis qu’à Mantes-la-Jolie j’ai repris le train pour Paris. Le temps file, et tandis que mon voyage à pied s’émaille de pauses obligées pendant lesquelles mes carnets cessent d’être alimentés, les billets continuent à arriver régulièrement sur ce blog.
Les notes manuscrites prises au jour le jour obéissent forcément à la contrainte du temps présent. Leur écriture est basée sur l’instant. Pour le blog, c’est différent. Dans le cadre de cette traversée nord-sud de la France à pied, j’ai certes pris le parti de rédiger surtout des « billets pointillistes » qui se rattachent à une seule étape ou fragment d’étape. Là aussi la mesure du temps est l’instant. Pourtant, je ne me prive pas complètement de « l’atout de jouer avec le temps » cher à Jacques Lacarrière car les semaines ou les mois écoulés depuis cet instant l’enrichissent de l’expérience d’un futur qui s’est transformé en passé. La réécriture est guidée par le recul.
« Dans le carnet où je notais mes impressions au jour le jour, il m’eût été difficile de connaître d’avance les événements du lendemain. Deux ans plus tard, quand je me décidai à écrire le livre qui allait devenir Chemin faisant, je n’étais plus du tout dans les mêmes conditions. Dès la première page du manuscrit, je savais bien que j’étais arrivé sain et sauf au terme du voyage ainsi que tout ce qui m’était advenu jour après jour. Il me paraissait impossible de faire comme si je ne le savais pas. Non pour des raisons de sincérité ou de vérité pure et simple, mais parce que je me serais privé d’un atout : pouvoir jouer avec le temps. » Jacques Lacarrière – Chemin faisant (Fayard, 1997) |
Dans le présent de mes carnets de route, c’est aujourd’hui le 5 novembre 2010. J’ai repris ce matin le train pour Mantes d’où je me suis remis en marche vers le sud, direction Orgerus. À ce jour, les derniers billets publiés sur le blog racontent mon retour en train à Beaurainville, le 4 septembre 2010, et comment mon premier tampon a été apposé sur ma « pseudo-credencial ».
Dans un autre présent, celui de la publication de cet article, nous sommes le 12 février 2011. En quelques sauts de puce hivernaux, je viens d’arriver à Chartres. Quand en parlerai-je ici ? Où en serai-je alors de ce voyage à pied ? Aurai-je franchi quelques étapes supplémentaires vers le sud ou serai-je resté scotché par l’hiver et le travail quotidien ? Est-ce que je me serai « rattrapé » ?
4 septembre, 5 novembre, 12 février… Les deux écritures, conjointes et décalées, dans mes carnets et sur ce blog forment comme un jeu de miroirs, une écriture en abîme.