La Russie du Tsar en couleurs
- Publié le Samedi 19 mars 2011
- par Serval
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Non, ce n’est pas Anton Tchekhov qui se repose au bord de cette rivière, mais c’est la même époque, et c’est bien la Russie. La photographie en couleurs ci-dessus date du tout début du vingtième siècle. Le randonneur en costume et chapeau qui se prend lui-même en photo est Mikhaïlovitch Prokoudine-Gorski, l’inventeur du procédé utilisé ici. En France au même moment, les frères Lumière créent l’autochrome, première technique industrielle de photographie en couleurs.
En 1909, Sergueï Prokoudine-Gorski est chargé par Nicolas II, Tsar de toutes les Russies, de parcourir le pays pour réaliser un inventaire en images de l’empire, destiné à l’éducation des écoliers. Cela durera plus de 6 ans et aboutira à une collection d’images témoignant de la fin d’un monde, véritable reportage photographique sur ce qui va en grande partie disparaître avec la révolution de 1917.
Cet imposant monsieur tout habillé de bleu n’est pas n’importe qui : c’est Mohamed Alim Khan, émir du Khanat de Boukhara, état indépendant qui fait maintenant partie de l’Ousbékistan. Qui pourrait croire que cette photo a été prise en 1911, il y a juste cent ans ? Ses couleurs éclatantes apportent à son modèle une réalité que les habituels clichés de l’époque, en noir et blanc ou en tirage sépia, sont souvent loin de pouvoir approcher.
Sergueï Prokoudine-Gorski ne prenait pas réellement de photographies en couleurs, car il ne savait pas réaliser de tirages papier de ses clichés. Sa méthode consistait à projeter sur un écran les images qu’il avait prises, comme des diapositives. Il prenait successivement trois clichés en noir et blanc de la même scène à travers trois filtres, rouge, vert et bleu (les trois couleurs primaires). Il projetait ensuite simultanément les trois images à travers trois filtres des mêmes couleurs pour obtenir sur l’écran une seule image polychrome.
Après la révolution, il quitta la Russie et émigra en France où il vécut jusqu’à sa mort en 1944. Quelques années plus tard, ses héritiers vendirent la totalité de sa collection de plaques photographiques à la Librairie du Congrès des Etats-Unis. C’est à partir de ce matériel que fut organisée en 2001 à Washington une exposition intitulée « The Empire that was Russia », comportant 122 clichés.
Depuis lors, la totalité des plaques (environ 2000 images) a été reproduite en images numériques librement accessibles sur Internet. Ne vous privez pas d’un voyage à travers le temps et l’espace vers ce que fut la Russie, ses monuments et ses campagnes, et vers toutes les personnes que ces photographies font revivre.