Un œil neuf

Aux îles Lofoten, août 2006
Îles Lofoten, août 2006

Grand braquet, petit braquet, grand braquet de nouveau. Les chemins de Vestvågøy montent et descendent sans cesse et les pentes sont abruptes. D’un fjord à l’autre, entre les bras de mer qui séparent les îles, sur des routes désertes et des chemins de terre, ça grimpe : aux Lofoten, les montagnes plongent droit dans la mer.

À vélo aux Lofoten
À la fin d’une longue descente, un virage et… surprise ! une ébauche de plat, un répit entre la roche et l’eau, une plage. Du sable et des rochers qui semblent juste posés sur les vaguelettes, comme des tables où manger un morceau, comme des lits sur lesquels faire un somme.

Pas un bruit, pas un bateau, pas même un oiseau. Personne. Je m’allonge et m’endors. Vingt minutes de sieste, d’un vrai sommeil profond. Quand mes paupières s’ouvrent, c’est pour revoir la mer, les rochers, et des montagnes au loin.

Au loin, mais paraissant tout près à travers l’air limpide. Suis-je bien réveillé ou est-ce encore un rêve ?
— Est-ce que tu te rends compte de la chance que tu as de vivre dans un pareil endroit et de pouvoir contempler tous les jours des paysages aussi magnifiques ?
— J’essaie, mais tu sais, je suis souvent bien trop occupée pour pouvoir prendre le temps d’admirer le paysage.

Pourquoi en serait-il autrement… L’érosion des sensations est la même partout. Le Parisien qui conduit sur les Champs-Elysées regarde les feux rouges, les piétons qui traversent, les autres automobiles — j’admets que c’est prudent — sans plus admirer la perspective de la « plus belle avenue du monde », les hiéroglyphes de l’Obélisque ou les bas-reliefs de l’Arc de Triomphe. Cela fait partie du décor, il ne les voit plus.

Comment faire pour voir encore les lieux où nous vivons, pour continuer d’admirer les beautés du quotidien ? Comment les regarder avec l’émerveillement de l’étranger qui les découvre ? Comment retrouver un œil neuf ?

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