1973 au Chili : l’autre 11 septembre
- Publié le Samedi 11 septembre 2010
- par Serval
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Depuis 2001, l’expression « Le 11 septembre » est communément employée pour désigner les attaques terroristes qui ont eu lieu au États-unis le 11 septembre 2001. C’est aujourd’hui le neuvième anniversaire de ce drame, et un jour de souvenir aux États-unis.
En Amérique latine, cette date évoque également le souvenir d’une autre terrible journée : depuis le 11 septembre 1973, « El once de septiembre » est l’expression utilisée pour désigner le coup d’état sanglant qui survint ce jour-là au Chili et conduisit à la dictature du général Augusto Pinochet.
Salvador Allende, le président socialiste démocratiquement élu en 1970, mourut au cours du golpe, comme plusieurs milliers de Chiliens tués par les complices de Pinochet.
Víctor Jara était un chanteur célèbre au Chili, un folk-singer politiquement très engagé à gauche et un soutien actif de Salvador Allende. Au moment du coup d’état, il donnait un cours à l’université de Santiago. Il resta sur place avec les étudiants et chanta pendant plusieurs heures pour appeler à la résistance.Le matin du 12 septembre, Jara fut emmené par les soldats au grand stade de Santiago, le Stade Chili (Estadio Chile), transformé en camp de concentration pour des milliers de personnes. Il fut rapidement reconnu par les autres prisonniers, mais aussi par les soldats qui le mirent en isolement.
D’après plusieurs témoins, il fut torturé pendant trois jours ; ses doigts furent brisés à coup de crosse de fusil par les soldats qui lui dirent ensuite en riant : « Allez vas-y, joue-nous donc un petit air de guitare maintenant ! » Finalement, le poète fut assassiné à la mitraillette et son corps abandonné sur une route dans un faubourg de Santiago.
Les soldats exécutent leur plan avec précision.
Le sang leur est médaille, le massacre un acte d’héroïsme.
Oh mon Dieu, est-ce là le monde que tu as créé ?
Était-ce pour cela, ces sept jours de peur et de labeur ? »
— Extrait de Estadio Chile de Víctor Jara
Avant que les soldats ne le reconnaissent dans le stade, il avait écrit les premières lignes d’un poème sur un morceau de papier qu’il avait réussi à transmettre subrepticement à un autre prisonnier. Celui-ci le cacha dans sa chaussure et en rendit le contenu public quand il fut libéré. Ce dernier poème de Jara, écrit juste avant son assassinat et resté inachevé, est maintenant universellement connu sous le nom de Estadio Chile.
Le Stade Chili, Estadio Chile, a été rebaptisé à l’occasion du trentième anniversaire du coup d’état, en septembre 2003. Il s’appelle désormais le Stade Víctor Jara.